D’avocate en fonds d’investissement à architecte d’intérieur : Histoire d’une réinvention

© Juan Jerez

 

Pendant plusieurs années, j’ai exercé comme avocate en fonds d’investissement, un métier exigeant où rigueur et rapidité d’exécution étaient la norme. Intellectuellement stimulant, il m’a plongée dans un environnement compétitif et ultra-dynamique. Mais, à force de m’investir dans ce cadre structuré et méthodique, j’ai peu à peu mis de côté une partie essentielle de moi : ma créativité.

 

Pourquoi tout quitter ?

Choisir le droit et la finance après mon bac, c’était faire un pari sur l’avenir. Je n’avais pas encore de certitudes sur mes aspirations profondes, mais je savais ce qui me motivait : construire une carrière solide, m’épanouir dans un environnement dynamique et intellectuellement stimulant, et répondre à mon goût pour l’équité et l’écriture. Pendant des années, ce choix a fait sens, du moins en surface.

Mais en parallèle, il y avait cette petite voix intérieure, celle que j’ai souvent étouffée. Celle qui me rappelait que j’avais voulu faire une école de mode après le lycée, mon attrait pour la musique – le piano enfant, puis le chant en grandissant – et trainer dans des musées pendant des heures, des choses qui me donnaient de l’énergie. Cette voix, discrète mais tenace, me rappelait que toucher les matières, jouer avec les couleurs faisait tout autant partie de moi que cette rigueur juridique.

J’avais accepté le statu quo. Les pensées limitantes – peur de l’instabilité financière, peur de l’échec, recommencer à zéro sans mode d’emploi – m’ont longtemps bloqué. À cela s’ajoutait le sentiment que, bien que je savais au fond que mon métier ne me correspondait plus, je ne savais pas pour autant quoi faire d’autre. Pourtant, ce besoin de créer et ce désir d’entreprendre sont devenus impossibles à ignorer.

Ce sentiment d’être “bloqué” est largement repris dans le livre Designing Your Life de William Burnett. Ce livre a été pour moi un pivot dans ma reconversion et aventure entrepreneuriale. Un déclencheur qui m’a permis d’envisager l’inconnu comme une opportunité et non plus comme un risque.

 

Les premières étapes : apprendre, explorer, oser

Par curiosité, en janvier 2022, j’ai décidé de m’inscrire à une première année de licence d’architecture d’intérieur en ligne. Sans pression, à mon rythme, j’ai découvert les bases du métier : l’histoire du design, les principes de la colorimétrie, le dessin en perspective. Pendant un an, ces cours me passionnent les week-ends et pendant mes vacances. Une fois cette formation terminée, je me dis qu’il faut aller plus loin et tenter ce que je n’ai jamais vraiment osé tenter. Je lis beaucoup sur le design, l’architecture, le graphisme, et l’entrepreneuriat, je contacte plusieurs architectes d’intérieur pour comprendre leur métier et leur quotidien et avoir quelques conseils précieux pour la suite.

 

Retour sur les bancs de l’école

En septembre 2023, je prends une décision radicale : quitter mon métier d’avocate pour me consacrer à 100% à l’architecture d’intérieur. J’intègre l’école MJM Design Paris pour un cursus intensif d’architecture d’intérieur à temps plein. Imaginez : neuf mois pour valider un diplôme Bac+3, avec des journées rythmées par des cours de conception de projet, de maquettes, d’infographie, dessins techniques et techniques du bâtiment.

Les semaines sont denses, les nuits courtes, émotionnellement c’est compliqué, je me coupe de toute distraction et mets entre parenthèses ma vie sociale. Je redécouvre la vie étudiante sous un angle nouveau, armée d’une détermination que je n’avais peut-être pas à 20 ans. Chaque devoir, chaque projet me pousse à me dépasser. Mon projet de fin d’études, un restaurant-bar festif de 250 m² réparti sur deux niveaux, devient le point culminant de ce parcours. La présentation au jury, composé d’un architecte DPLG et de deux architectes d’intérieur, se solde par une récompense : Mention “Très bien avec les félicitations du jury”.

L’apprentissage par l’immersion

Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai rejoint un cabinet d’architecture d’intérieur parisien spécialisé dans la rénovation haut de gamme. Pendant plusieurs mois, je me suis plongée dans les réalités du terrain : réunions de chantier, conception de mobilier sur mesure, visites chez les fournisseurs, sélection des fournitures, moodboards : chaque jour était une occasion d’apprendre.

Cette expérience a été une immersion totale dans le quotidien d’un architecte d’intérieur et je suis très reconnaissante à ceux qui m’ont transmis une part de leur savoir-faire durant cette période.

 

Pourquoi le droit est une force dans mon métier d’architecte d’intérieur ?

Quand on me demande si je regrette mes années en tant qu’avocate, mes études de droit, ma réponse est toujours la même : absolument pas. Le droit fait partie intégrante de mon parcours, et même si j’ai choisi une nouvelle voie, il a façonné ma façon de penser et m’a transmis des réflexes que j’utilise encore au quotidien.

Au final, mon expérience d’avocate n’est pas un chapitre à effacer, mais un levier. Elle a enrichi ma manière de travailler, affûté mes compétences, et m’a donné la confiance nécessaire pour relever de nouveaux défis.

Je ne vois pas une rupture entre le droit et l’architecture d’intérieur, mais une continuité. Le droit m’a appris à structurer, à chercher, à m’organiser. L’architecture d’intérieur, elle, me permet d’exprimer tout cela dans une forme tangible, esthétique, et profondément humaine.

Ce passé n’est pas un poids, mais une force que j’embrasse pleinement dans ma nouvelle carrière. Il me rappelle chaque jour que rien n’est figé : tout peut être réinventé, à condition d’avoir le courage de s’y atteler.

J’espère que partager mon expérience pourra inspirer d’autres personnes à oser explorer de nouvelles directions, quelles qu’elles soient !

 

Maéva Mathurin, fondatrice de Onomé Studio

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